2) Le dépistage de la testostérone

Les contrôles antidopages en vue de détecter la testostérone, sont effectués en deux étapes, une première étape dite de criblage, une deuxième étape de confirmation.
Lors de la première étape, le diagnostic de la prise de testostérone se fait à partir du rapport
Testostérone / Epitestostérone (rapport T / E).

Le test de dépistage s’effectuera par
la technique de couplage de la chromatographie gazeuse et de la spectrométrie de masse : on mesure le rapport des hauteurs ou des aires des pics moléculaires de la testostérone et de l’épitestostérone.

  1. Rapport Testostérone / Epitestostérone

La testostérone et l’épitestostérone font partie d’une catégorie particulière d’isomères appelée stéréoisomères ou stéréomères.
On parle d'isomérie lorsque deux molécules possèdent la
même formule brute mais ont des formules semi-développées ou des formules développées différentes. Ces molécules, appelées isomères, ont des propriétés physiques, chimiques et biologiques différentes.
La stéréoisomérie, ou isomérie stérique définit deux molécules possédant la même formule semi-développée, mais qui ont un arrangement différent dans l'espace.

Les épimères sont des stéréoisomères organiques qui ne diffèrent entre eux que par la configuration d'un seul et unique carbone asymétrique.
L’épitestostérone est un épimère de la testostérone.
La testostérone (I) et l'épitestostérone (II) sont des épimères qui ne diffèrent l'une de l'autre que par la configuration de l'atome de carbone portant sur le groupe OH.






Le critère de positivité du test de détection de la testostérone a été établi par L’agence Mondiale antidopage.
Un rapport
testostérone/épitestostérone supérieur à 4 est considéré comme suspect d’une prise exogène de testostérone. La sensibilité de ce test de détection est controversée. En effet, des tests peuvent se révéler faussement positifs chez des sujets dont le rapport T/E est naturellement au dessus de la valeur seuil.
A contrario, des tests faussement négatifs peuvent se voir chez des sujets prenant de faibles doses de testostérone.
D’autre part, l’épitestostérone n’est pas considérée comme un produit dopant. Il suffit au sportif d’en prendre de façon exogène pour ajuster le rapport T / E afin de le rendre inférieur à 4.
Par ailleurs, la consommation de boisson en grande quantité avant un contrôle antidopage dilue les urines et rend l’épitestostérone non mesurable lors de la réalisation du test. La prise de produits masquant comme l’éthanol présent dans l’alcool de DHEA ou d’androstenedione peut également modifier le rapport T/E.
En cas de valeur du rapport T/E supérieur à 4, des examens complémentaires sont réalisées (sauf dans les cas ou il est prouvé que cette valeur est physiologique).
Malgré les nombreux biais liés à la mesure de ce rapport T/E rendant ce test peu fiable, l’agence mondiale antidopage a tenu à le maintenir en raison d’un coût moindre que celui d’autres techniques plus fiables mais plus coûteuses.

NB : Le rapport T / E est autour de 1,25 pour les caucasiens et de 0.5 pour les asiatiques

  1. Le couplage chromatographie gazeuse et spectrométrie de masse de rapport isotopique du carbone:


Cette méthode appelée GC – C- IRMS, est préconisée lorsque le rapport entre testostérone et épitestostérone est supérieur à 4, mais aussi, notamment, lorsque la concentration des 2 substances dépasse 200ng/mL : il est en effet possible, comme nous l’avons vu au dessus, de prendre un mélange de testostérone et d’épitestostérone, ce qui permet de maintenir le rapport T/E en dessous de 4.



Chromatographie en phase gazeuse (CPG)



La chromatographie en phase gazeuse est, comme toutes les techniques de chromatographie, une technique qui permet de séparer des molécules d’un mélange très complexe.

Cette méthode s’applique principalement aux mélanges gazeux ou susceptibles d’être vaporisés par chauffage sans décomposition.



Principe de la chromatographie en phase gazeuse



Le mélange à analyser est vaporisé à l’entrée d’une colonne, qui renferme une substance active solide ou liquide appelée « phase stationnaire » (= liquide à haut point d’ébullition, recouvrant un support inerte). Le mélange est ensuite transporté à travers cette colonne à l’aide d’un « gaz porteur », inerte (= phase mobile). Ce processus se développant tout au long de la colonne, le soluté fera des sauts de puce jusqu’à l’extrémité de cette colonne, c’est-à-dire le détecteur. Les différentes molécules du mélange vont se séparer le long de la colonne et sortir les unes après les autres en fonction de l’affinité de la phase stationnaire avec celles ci. Plus l’affinité de la phase stationnaire avec le soluté sera grande, plus celui – ci sera ralenti quant à son temps de sortie de la CPG (temps de rétention allongé).





Lors d’un contrôle anti dopage urinaire, les métabolites présents le sont sous forme conjuguée (le terme métabolite désigne la substance qui se constitue au cours du métabolisme (la transformation, l'utilisation par l'organisme) d'une autre substance).

Avant de faire passer ces métabolites dans l’appareillage de chromatographie, il faut les hydrolyser afin d’obtenir des formes libres.

Par ailleurs les formes liquides doivent être transformées en gaz au sein de l’appareillage de chromatographie.







Appareil de Chromatographie gazeuse photographié au laboratoire de Châtenay-Malabry


La première phase de la chromatographie en phase gazeuse consiste en une phase appelée phase de dérivation qui consiste à rajouter un dérivant aux molécules présentes afin de les alourdir pour mieux les différencier lors de la spectrométrie de masse.


Chromatographie en phase gazeuse (CPG)



Puis on les fait passer dans un système d’injection (280 °C) (voir figure ci-dessus) qui va permettre d’introduire et de rendre volatil l’échantillon à analyser. L’injecteur est traversé par le gaz porteur, insoluble dans les liquides (Hélium pour le laboratoire de Chatenay Malabry) et porté à une température appropriée à la volatilité de l’échantillon. Toujours emportés par le gaz porteur, les différents composés de l’échantillon vont passer ensuite dans un collecteur (tube de 17 mètres de long et de 0.2 mm de large) garni d’un support inerte solide. Ce support est imprégné chimiquement d’un produit appelé phase stationnaire dont l’affinité avec les composants du produit à analyser, la testostérone dans notre cas, est la plus grande.

Au total, en injectant l’échantillon à analyser à l’entrée de la colonne, le produit est vaporisé par chauffage et la différence d’affinité des composants envers la phase stationnaire permet de retenir plus ou moins longtemps certains composants vis-à-vis des autres. Le gaz porteur (l’Hélium) va véhiculer ces composants vers la sortie à des vitesses caractéristiques des substances elles – mêmes. Plus le composé a d’affinité avec la phase stationnaire, plus il mettra de temps à sortir de la colonne. Le temps de rétention est ainsi mesuré (temps qui s’écoule entre l’injection de l’échantillon et l’apparition du signal maximum du soluté au détecteur, temps de sortie du pic).

Cette colonne est placée dans un four pour maintenir une température suffisante afin de grader les solutés en phase gazeuse pendant l’analyse.

Un système de détection va permettre de mesurer le signal émis par les différentes molécules et pourra ainsi les identifier. C’est à dire qu’il évalue en continu la quantité de chacun des constituants séparés au sein du gaz porteur grâce à la mesure de différentes propriétés physiques du mélange gazeux. Puis le détecteur enverra un signal électronique vers un logiciel qui dessinera les courbes de chaque pic en fonction de leur intensité. L’ensemble des pics constitue le chromatogramme.

Afin de mettre en relation le temps et la nature chimique, on se sert d’un échantillon de référence. A la sortie, le chromatogramme va fournir une série de pics plus ou moins séparés, plus ou moins grands et plus ou moins larges. La surface d’un pic est, suivant la méthode de détection, proportionnelle à la quantité de produit représentée par ce pic. En mesurant la surface de chaque pic, on détermine le pourcentage de chacun des composants contenus dans le mélange analysé.



Chromatogrammes de solutés

  • Le tracé d'un chromatogramme correspond à l'enregistrement de l'intensité du signal généré par le détecteur en fonction du temps (cf. schéma ci-dessous).

  • A partir du chromatogramme, il est possible d'identifier un soluté ainsi que de déterminer sa concentration dans un mélange. 


A une plus petite échelle, après que les constituants volatiles aient été séparés par chromatographie en phase gazeuse, chaque molécule (schéma 1) est ensuite oxydée par l’étape de combustion située à la sortie du tube de CPG. Il en résulte la formation majoritaire de CO2 et d’H2O, chaque atome de carbone présent dans la molécule étant susceptible de produire une molécule de CO2. Le CO2 produit dispose d’un rapport isotopique C13 / C12 identique à la molécule de départ. Après passage dans le réacteur de réduction, l’eau résiduelle est éliminée afin qu’elle n’entre pas dans les réactions de la spectrométrie de masse isotopique du carbone.

Spectrométrie de masse de rapport isotopique du carbone (IRMS)

Rappel de définition :

Deux atomes sont dits isotopes s’ils ont le même nombre de protons mais un nombre de neutrons différents. Deux isotopes se distinguent par une masse atomique différente.

La spectrométrie de masse de rapport isotopique du carbone (IRMS) est l’une des techniques les plus performantes pour la détermination précise des rapports isotopiques. Elle permet entre autre, la détermination exacte de l’abondance isotopique d’un atome de carbone. Ce type d’analyse se base sur le constat que la proportion de Carbone 13 entre une source de carbone inorganique et organique peut différer.

Le principe de l’IRMS est de mesurer des abondances isotopiques d’atomes stables (C13 /C 12) après séparation par chromatographie en phase gazeuse et combustion des composés.

Les variations isotopiques naturelles en carbone sont relativement faibles. La grande majorité des sources de carbone étant appauvrie en 13C par rapport à une valeur de référence, des valeurs négatives de 13C °/°° sont généralement obtenues. Cette méthode se fonde sur le fait que la testostérone exogène est fabriquée à partir de stérols de plantes à faible incorporation de carbone 13.

Les stéroïdes endogènes, provenant du cholestérol qui provient lui – même d’une alimentation diversifiée, sont plus riches en cet isotope que les isotopes issus de l’hémi synthèse. Selon les critères de l’agence mondiale antidopage, la prise de stéroïdes exogène est prouvée lorsque la valeur mesurée pour au moins un métabolite diffère d’au moins 3 unités pour mille du stéroïde de référence endogène sélectionné.



Cette mesure se fait grâce au CO2 (schéma 1) produit par la pyrolyse de l’échantillon (cf. CPG). Celui – ci est alors introduit dans la source à impact électronique du spectromètre de masse où il est bombardé par des électrons, d’où ionisation des molécules en ion 12C16O2+ et 13C16O2+ selon le rapport initial de la molécule. Chaque atome de carbone présent dans la molécule étant susceptible de produire une molécule de CO2. Le CO2 produit lors de la combustion « transporte » la signature isotopique (= le rapport C13 / C12) de la molécule dégradée.

Les fragments recueillis sont analysés et permettent d’identifier la molécule, en sachant que :

  • une molécule progresse toujours à la même vitesse, ce qui permet de la caractériser

  • une molécule se casse toujours de la même manière (même fragilité au niveau de ses liaisons respectives).

L’étalonnage est effectué par l’introduction dans la source de quantité donnée de CO2 de référence.



Puis un traitement informatique calcule les rapports respectifs C13 /C12 afin de déterminer si les métabolites de la testostérone sont d’origine endogène ou exogène. A Chatenay Malabry, on mesure l’écart entre l’appauvrissement en C13 d’un précurseur de la testostérone (puisqu’il n’est pas affecté par le prise éventuelle de testostérone exogène) ; en général l’androstenol, le 11- kétoéthiocholanolone ou le 5 bêta prégnandiol) et celles de plusieurs métabolites de la testostérone (androstérone, éthiocholanolone ou 5 alpha androstanediol et 5 bêta androstanediol)

Des courbes temps / réponse spécifiques de chaque fragment, sont alors déterminées.

CPG couplée à l’IRMS



Cette méthode de l’IRMS consiste en la mesure par spectrométrie de masse du rapport carbone 13/carbone12, après séparation par chromatographie gazeuse et combustion de composés. Le CO2 est produit par la pyrolyse de l’échantillon (cf. figure ci-dessous).





Schéma de la méthode CPG couplée à l’IRMS

Méthode de détection de la testostérone dans les cheveux (phanères) :


L’analyse des substances dopantes dans les cheveux permet de révéler une exposition chronique ou répétée à cette substance.

Les résultats renseignent sur le profil de consommation pendant plusieurs mois en fonction de la longueur de cheveux disponible.

Il s’agit d’une technique innovante pour la recherche de produits dopants (première utilisation, « tour de France 2008 »). Cette technique reste à l’heure actuelle une technique de dépistage.

Une étude datant de 2001 faite par E.Mornay et M.Deveaux relate l’établissement de la détection de la présence de testostérone dans les cheveux par méthode radio immunologique .Tout résultat supérieur à 30 pg / mg doit être confirmé par une chromatographie gazeuse couplée à une spectrométrie de masse qui reste la méthode de référence.

Ce type de technique de détection va probablement se développer dans l’avenir.